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Un mémoire sur les allusions à l'actualité internationale dans les Aventures de Tintin
par Nicolas Sabourin
© 1996
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TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
- La métaphore européenne: la Syldavie et la Bordurie
- La métaphore latino-américaine: le San Theodoros
- Les allusions directes
CONCLUSION
ANNEXES
- ANNEXE I: Cases du Sceptre d'Ottokar
ANNEXE II: Cases de L'Affaire Tournesol
ANNEXE III: Cases de L'Oreille cassée, photographie de Basil Zaharoff
ANNEXE IV: Cases de Tintin et les Picaros
ANNEXE V: Cases de Tintin au pays des Soviets
ANNEXE VI: Cases du Lotus bleu
ANNEXE VII: Cases d'Au pays de l'or noir
NOTES
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
En 1929, Hergé créait Tintin, ce petit personnage qui allait vivre toutes sortes d'aventures au cours des cinquante années à venir. Aujourd'hui, son succès s'étend bien au-delà des frontières de la francophonie: on a traduit les albums dans une quarantaine de langues, albums vendus à des millions d'exemplaires de par le monde. On évoque bien souvent « l'universalité » et « l'intemporalité » du personnage pour expliquer ce phénomène mondial. Pourtant, Tintin a traversé un demi-siècle d'histoire et de bouleversements. Des événements cruciaux ont chamboulé les mentalités et modifié le paysage politique, social ou économique de la planète. Comme tous ses concitoyens belges, Hergé a forcément été témoin ou acteur de ces événements d'actualité.
Dans ces circonstances, on peut se demander jusqu'à quel point Hergé a reflété ce qui se produisait autour de lui dans son oeuvre. A-t-il abordé l'actualité internationale dans Les Aventures de Tintin? À la lecture des albums, plusieurs indices viennent nous indiquer que c'est effectivement le cas. Que ce soit par des « métaphores géopolitiques » ou par des allusions plus directes, tout porte à croire qu'Hergé a traité de l'actualité internationale dans son oeuvre et c'est ce que nous tenterons de démontrer.
Premièrement, nous examinerons la « métaphore européenne » que constituent la Syldavie et la Bordurie. Par la suite, nous nous pencherons sur le San Theodoros, la « métaphore latino-américaine ». Enfin, nous étudierons les allusions directes à l'actualité internationale dans trois albums de Tintin. Nous serons alors mieux en mesure de prouver notre hypothèse.
1. La métaphore européenne: la Syldavie et la Bordurie
Une des particularités des Aventures de Tintin est l'utilisation de pays fictifs, créés de toutes pièces par Hergé. Le duo formé par la Syldavie et la Bordurie, deux petits États d'Europe de l'Est, est sans doute la plus réussie de ces créations. Hergé en fait le théâtre de plusieurs récits et leur donne un réalisme sans pareil. Loin d'être de simples décors, ces « métaphores » européennes servent à illustrer deux périodes cruciales du vingtième siècle.
Le duo Syldavie - Bordurie fait son entrée dans le monde de Tintin dans l'album Le Sceptre d'Ottokar, en 1938. Or, cette année, un événement capital vient de se produire: l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie, aboutissement logique d'un processus entamé en 1933, lors de la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes en Allemagne, suivie de l'instauration progressive d'un État totalitaire. Dès 1934, les nazis assassinent le chancelier d'Autriche, Dolfuss, et tentent un putsch. De son côté, l'Allemagne entame la reconstruction de son armée ainsi que la remilitarisation de la Rhénanie. En novembre 1936, l'axe Rome-Berlin est conclu, resserrant l'étau autour de l'Autriche. À la mi-février 1938, Schussnigg, successeur de Dolfuss, reçoit un ultimatum de l'Allemagne, lui demandant de libérer tous les nazis emprisonnés et de nommer le nazi Seyss-Inquart ministre de l'Intérieur. En réaction, le chancelier organise un référendum sur l'indépendance autrichienne pour contrer les prétentions territoriales de Hitler mais, suite aux pressions de Goering, Schussnigg doit démissionner le 10 mars, le référendum est annulé et Seyss-Inquart prend les commandes du pays. Dès lors, le sort de l'Autriche est scellé: suite à un appel à l'aide de Seyss-Inquart demandant l'aide de l'Allemagne pour « rétablir la paix et l'ordre et prévenir un bain de sang », les troupes allemandes envahissent le pays sans résistance, le 11 mars 1938. Deux jours plus tard, « anschluss » (annexion) par l'Allemagne: l'Autriche devient une province du Reich. Dans les mois suivants, la Tchécoslovaquie se fait dépecer, l'Albanie annexer par l'Italie et, finalement, la Pologne brutalement envahir. Plus rien ne peut empêcher le début des hostilités, le 3 septembre 1939.
Témoin de ces événements, Hergé fait le récit d'un anschluss raté dans Le Sceptre d'Ottokar. La publication du récit ayant commencé le 4 août 1938, l'événement est encore tout récent. D'une part, on peut relier la Syldavie à trois pays dont elle est la synthèse. Premièrement, la présence d'une « cinquième colonne » qui infiltre et déstabilise le pays, en volant le Sceptre, et d'un complot visant à l'envahir par la suite rappelle le triste cas de l'Autriche. Aussi, on trouve des liens avec la Pologne, dont Hergé présageait peut-être le sort: conflits séculaires avec la Bordurie, à l'image de la Pologne et de l'Allemagne, frontière commune avec l'Allemagne et la Tchécoslovaquie, conformément au trajet d'avion de Tintin, ainsi que des similitudes entre les langues et l'architecture. Enfin, certains éléments slaves, la géographie et l'histoire de la Syldavie la rapprochent de la Roumanie : en effet, ce pays était une monarchie durant l'entre-deux-guerres et possédait un parti fasciste nommé « La Garde de Fer », très proche de la « La Garde d'Acier » syldave. D'autre part, la Bordurie présente de nombreuses similitudes avec l'Allemagne. Elle a envahi la Syldavie à plusieurs reprises dans le passé, comme l'Allemagne a maintes fois envahi la Pologne. Aussi, le nom du chef du parti pro-bordure « La Garde d'Acier » est tout à fait révélateur: Müsstler, combinaison évidente de Mussolini et Hitler. De plus, l'uniforme du colonel Boris évoque les uniformes S.S. (v. ann. 1a). Enfin, les avions bordures, en tout point semblables aux fameux chasseurs Messerschmit 109 (B, C ou D), portent un cryptogramme géométrique sur l'empennage rappelant la svastika (v. ann. 1b) et, dans la version noir et blanc de l'album, on peut remarquer qu'ils sont fabriqués par Heinkel, industrie de guerre allemande. En définitive, tous ces éléments ne peuvent être le fruit du hasard et sont au contraire autant d'indices laissés par Hergé pour faire connaître aux lecteurs attentifs la véritable signification de cette aventure de Tintin: une dénonciation de l'Anschluss.
Après cet épisode, on retrouve le duo Syldavie - Bordurie dans l'album L'Affaire Tournesol, paru de 1954 à 1956. Le monde a bien changé depuis vingt ans: la guerre froide bat son plein depuis près de dix ans. Dès 1946, l'URSS assure sa mainmise sur l'Europe de l'Est en y imposant des régimes communistes, par la force si nécessaire, comme lors du coup de Prague de 1948. En 1949, le blocus de Berlin, la partition de l'Allemagne et la création de l'OTAN aggravent les tensions déjà vives. En 1950 éclate la guerre de Corée, première confrontation directe entre les deux blocs, qui dure jusqu'en 1953. Des deux côtés, la situation est tendue. Aux États-Unis, le maccartisme et la chasse aux sorcières contre les communistes sévissent sans discernement. En URSS, Staline meurt en 1953; ce n'est qu'en 1956 que Khrouchtchev débutera la « déstalinisation ». En 1955, les membres du bloc communiste concluent le pacte de Varsovie. Finalement, l'année suivante, les troupes soviétiques écrasent brutalement le mouvement de libéralisation en Hongrie. Parallèlement à tous ces événements, la course aux armements est fébrile; on cherche à maintenir « l'équilibre de la terreur ». En août 1949, la première bombe atomique soviétique explose. En réaction, le président américain Truman annonce sa décision de fabriquer une bombe « H » à hydrogène, jusqu'à 1000 fois plus puissante. Dès 1952, les premiers essais américains ont lieu. Cependant, les Soviétiques font exploser la première vraie bombe H en août 1953. Ce n'est que l'année suivante que les Américains font de même, leur bombe étant cependant nettement plus puissante. Bref, on cherche par tous les moyens à ne pas prendre de retard sur l'ennemi. Dans ce contexte, l'espionnage est intense. En somme, la tension est vive et le moindre incident pourrait mettre le feu aux poudres.
Encore une fois, Hergé est témoin de son époque et tente de la mettre en scène dans son oeuvre. Benoît Peeters écrit:
N'oublions pas que nous sommes en 1954 au moment où l'histoire commence à paraître dans Tintin, et que la guerre froide bat son plein. Le couple Syldavie / Bordurie pourra aisément métaphoriser l'affrontement des deux blocs, comme il avait autrefois représenté le conflit entre les démocraties occidentales et l'Allemagne hitlérienne1.
Dans L'Affaire Tournesol, la Syldavie et la Bordurie d'autrefois ont bien changé: elles s'affrontent maintenant dans un scénario de guerre froide et de course aux armements. En premier lieu, les deux pays tentent de s'emparer de la nouvelle arme de Tournesol et dépêchent des espions à Moulinsart, ce qui ne peut évidemment que rappeler le contexte décrit précédemment. De plus, les incidents de frontière, comme le détournement de l'avion transportant Tournesol, évoquent manifestement la guerre froide, particulièrement la tension entre les deux Allemagnes. Dans cet album, Tintin visite la Bordurie, ce qui nous permet d'en étudier plus précisément les caractéristiques. On peut sans doute raisonnable placer le pays dans le bloc communiste, pour plusieurs raisons. Premièrement, le culte de la personnalité du président Plekszy-Gladz et l'obsédante présence de sa moustache (v. ann. 2a) évoquent bien le culte de Staline, que Khrouchtchev n'a pas encore démoli. De plus, les « guides-interprètes » surveillant Tintin et Haddock, les armes de qualité douteuse et l'architecture de style réaliste socialiste (v. ann. 2b) situent très clairement la Bordurie parmi les pays de l'Est. En contrepartie, on peut présumer que la Syldavie joue le rôle de l'allié de l'Ouest. Pour résumer, la Bordurie et la Syldavie étant respectivement des métaphores des régimes de l'Est et de l'Ouest, Hergé les oppose dans un scénario directement inspiré de la guerre froide qui sévit à l'époque. Cependant, s'il y a dénonciation, elle est nettement plus nuancée, selon Frédéric Soumois: « La similitude de leurs préoccupations guerrières leur donne un air de famille peu amène, et, paradoxalement, finit par les faire se confondre2. »
En somme, nous avons pu constater que la Syldavie et la Bordurie que traverse Tintin dans Le Sceptre d'Ottokar puis L'Affaire Tournesol se voulaient le miroir de deux époques troublées, le premier épisode illustrant un anschluss raté et le second la guerre froide. Hergé s'est donc servi de ces pays fictifs pour illustrer principalement l'actualité européenne.
2. La métaphore latino-américaine: le San Theodoros
Tintin visite deux fois le San Theodoros, premier pays fictif créé par Hergé, intervenant chaque fois dans les affaires internes du pays. Par ce « concentré » d'Amérique latine, Hergé illustre d'abord la guerre du Chaco, dans L'Oreille cassée, puis la situation sociale, économique et politique en Amérique latine durant les années 60 et 70 dans Tintin et les Picaros. Encore une fois, cette « métaphore latino-américaine » nous impose un deuxième niveau de lecture fortement imprégné par actualité.
C'est en lisant la revue Le Crapouillot, une de ses principales sources durant l'entre-deux-guerres, qu'Hergé prend connaissance d'un conflit passé à peu près inaperçu en Europe: la guerre du Chaco, qui oppose la Bolivie et le Paraguay de 1932 à 1935. L'objet du litige est le territoire du Gran Chaco, supposé riche en gisements de pétrole. Bien qu'officiellement la Bolivie veuille obtenir un port sur le Paraguay pour retrouver un accès à la mer, il s'agit plutôt d'une lutte des intérêts pétroliers: la Standard Oil, américaine, exploitant des gisements en Bolivie, veut éviter l'expansion de la Royal Dutch Shell, anglo-hollandaise, installée au Paraguay. Ainsi, les États-Unis soutiennent militairement et financièrement la Bolivie tandis que la Grande-Bretagne soutient le Paraguay. Les hostilités commencent en juin 1932; ce n'est que le 12 juin 1935 qu'elles cessent par la signature d'un protocole de paix. En 1938, un traité de paix et d'amitié est conclu: la Paraguay gagne 120 000 km². En tout, les combats auront fait 65 000 morts du côté bolivien et 35 000 chez les Paraguayens.
Indigné par ce conflit, Hergé décide de le transposer dans L'Oreille cassée, récit publié de 1935 à 1937. On peut établir de nombreux parallèles avec la situation réelle. D'une part, par la toponymie: le Gran Chaco devient le Gran Chapo; la capitale du San Theodoros, Las Dopicos, se rapproche de La Paz, capitale bolivienne, tandis que Sanfacion, capitale nuevoricaine, évoque Asunción, au Paraguay. De plus, le libérateur du San Theodoros, le général Olivaro (v. ann. 3a), n'est pas sans rappeler Bolívar et la Bolivie. D'autre part, la Standard Oil américaine devient la « General American Oil » et la Royal Dutch Shell anglo-hollandaise, la « Compagnie anglaise des pétroles sud-américains ». Enfin, les paysages que l'on aperçoit lors de la fuite de Tintin vers le Nuevo Rico concordent bien avec les paysages réels que l'on retrouve entre La Paz et Asunción. Bref, la plupart des éléments de la réalité sont présents, à peine déguisés. Encore une fois, il est clair qu'Hergé utilise des événements réels pour servir de trame à son récit, sans pour autant en faire son sujet principal.
Outre la guerre du Chaco, on retrouve dans L'Oreille cassée un personnage d'actualité ayant plusieurs fois fait les manchettes à l'époque du récit: Basil Zaharoff. Marchand d'armes, propriétaire de la Vickers Armstrong, Légion d'honneur en France et baronnet en Angleterre, possédant une fortune colossale, il est souvent le sujet d'articles dans Le Crapouillot à l'époque. Habile utilisateur des pots-de-vin, il développe aussi le procédé de la « double-vente », soit la vente du même matériel militaire à deux belligérants. Il acquiert des supports de presse pour influencer les opinions; il propose des « facilités de paiement » qui mènent les pays à la dette. De plus, on le retrouve souvent impliqué dans les magouilles des compagnies pétrolières, surtout au Moyen-Orient. Dans L'Oreille cassée, Zaharoff devient « Mazaroff » (version noir et blanc) puis « Bazaroff » (version couleurs). Hergé en fait une caricature aisément reconnaissable: même chapeau et canne caractéristiques, similitude des dessins avec certaines photographies de ses sources (v. ann. 3b-c). De même, la Vickers Armstrong devient la « Vicking Arms Co. Limited », le procédé de vente restant le même: chaque gouvernement achète 75 « T.R.G.P. », avec « facilités de paiement ». Enfin, comme Zaharoff, Bazaroff influence l'opinion publique par les journaux, au San Theodoros comme au Nuevo Rico. En bref, comme le dit Frédéric Soumois:
Hergé a tout dénoncé chez Zaharoff: le procédé de la « double-vente », la pratique du pot-de-vin ou de l'assassinat des incorruptibles, l'utilisation de journaux comme agents d'opinion et même le recours aux « facilités de paiement » qui jette un pays dans un infernal cercle vicieux financier3.
En définitive, bien que Zaharoff n'ait pas été impliqué dans la guerre du Chaco, l'utilisation de ce personnage réel dans un décor fictif inspiré de la réalité a pour conséquence de rendre cette fiction encore plus crédible.
Suite à son aventure mouvementée des années trente, ce n'est qu'en 1976 que Tintin retourne au San Theodoros, dans Tintin et les Picaros. Comme le reste de la planète, l'Amérique latine a subi de profonds bouleversements. Depuis 1960, la situation est souvent difficile. Sur le plan social, beaucoup reste à faire: l'inégalité des revenus, le développement des bidonvilles, la faim, la malnutrition, l'explosion démographique, les épidémies, la mortalité infantile, le manque de médecins, l'analphabétisme sont autant de problèmes auxquels les gouvernements doivent faire face ou s'y refusent. De même, l'économie est en difficulté. Les matières premières constituent toujours la plus grande part des exportations; la dépendance envers les États-Unis est très forte et l'époque des « républiques bananières » n'est pas révolue. De plus, le P.I.B. de la plupart des pays latino-américains reste faible tandis que l'inflation est galopante. Enfin, la situation politique reste tendue. Jusqu'en 1959, l'hégémonie des États-Unis sur l'Amérique latine est presque totale. Cependant, à partir de 1953, Fidel Castro et Ernesto « Che » Guevara mènent à Cuba une guérilla communiste contre le gouvernement de Batista. Ils prennent finalement le pouvoir en 1959 et rompent avec les États-Unis, ce qui mènera au conflit de la baie des Cochons en 1961 et la crise des missiles en 1962. Dans les années suivantes, des mouvements de guérilla castristes se répandent à travers l'Amérique latine. En réaction, les États-Unis ne condamnent plus les coups d'État militaires, préférables à la prise du pouvoir par les communistes, et privilégient l'intervention directe à St-Domingue en 1965. Néanmoins, jusqu'en 1973, les Américains se désengagent pour se concentrer au Viêt-nam, ce qui permet l'émergence de régimes « progressistes » (ex. Allende au Chili, 1970). Les militaires brisent rapidement cette vague, souvent avec l'appui des États-Unis et l'aide de la C.I.A. En somme, l'Amérique latine est une région fort tourmentée durant les années précédant la création de Tintin et les Picaros.
Bien qu'Hergé ait commencé à penser à l'histoire en 1962, ce n'est qu'en 1976 que Tintin et les Picaros est finalement publié. Cette période couvrant près de 15 ans, le San Theodoros joue encore le rôle d'un « concentré » d'Amérique latine durant ces années. Au lieu d'illustrer une dictature de droite, soutenue par les États-Unis, en lutte avec une guérilla communiste, Hergé inverse les rôles: la dictature de Tapioca, appuyée par la Bordurie de Plekszy-Gladz qui est, comme nous l'avons vu précédemment, de nature communiste, lutte avec la guérilla d'Alcazar, financée par « l'International Banana Company », ce qui n'est pas sans rappeler les « républiques bananières » dépendantes des États-Unis. Si l'on examine le décor, on peut remarquer des bidonvilles (v. ann. 4), comme en possèdent plusieurs grandes villes latino-américaines, entourant la capitale, Tapiocapolis, ville moderne, à l'image de Brasilia (v. ann. 4). En somme, Hergé parvient à synthétiser une foule d'éléments d'actualité au sein de son récit sans en complexifier la compréhension. Comme dans L'Affaire Tournesol, l'opinion d'Hergé semble toutefois nettement plus nuancée: « Aux « Vive Tapioca » ont succédé les « Vive Alcazar » dans une Tapiocapolis rebaptisée en Alcazaropolis. Les « tics » absolutistes sont les mêmes et peuvent faire augurer de la permanence d'un pouvoir dictatorial et télécommandé par multinationales interposées4. »
Ainsi donc, nous pouvons conclure que le San Theodoros représente bien une réalité historique lors des deux voyages que Tintin y fait, soit la guerre du Chaco en 1935-37 puis la situation générale en Amérique latine dans les années 60-70, en 1976. Bien que la transposition soit parfois caricaturale pour les fins du récit, il n'en demeure pas moins qu'Hergé reproduit scrupuleusement plusieurs aspects de ces réalités.
3. Les allusions directes
Loin de n'utiliser que des pays fictifs pour illustrer l'actualité internationale, Hergé n'hésite pas à impliquer Tintin dans les affaires de pays réels, dans des situations réelles ou fortement inspirées de la réalité. Il en est ainsi dans la première aventure de Tintin, Tintin au pays des Soviets, où il visite la Russie communiste. Dans Le Lotus bleu, c'est au coeur d'une invasion japonaise de la Mandchourie à peine maquillée que Tintin se retrouve. Enfin, il fait un passage en Palestine sous mandat britannique dans Au pays de l'or noir.
Lors de son tout premier voyage, dans Tintin au pays des Soviets, c'est un pays mal connu et surtout inquiétant pour plusieurs Occidentaux que Tintin découvre. Depuis la révolution d'octobre, en 1917, les communistes et Lénine se sont installés au pouvoir. Jusqu'en 1922, la guerre civile oppose « rouges » (communistes) et « blancs » (tsaristes, libéraux et autres) et déchire le pays jusqu'à ce que les rouges l'emportent. Lénine impose le « communisme de guerre » et la Tcheka (police politique) fait régner la terreur. Malgré la victoire, la situation est catastrophique: la famine de l'hiver 1921-22 fait huit millions de victimes; des épidémies ravagent le pays; la production agricole est insuffisante et l'économie est ravagée; des millions d'enfants sont abandonnés. Lénine lance alors la nouvelle politique économique (NEP), qui supprime les réquisitions obligatoires, libéralise le commerce intérieur, dénationalise la petite industrie et lance une campagne d'alphabétisation massive. En 1922, il créé l'U.R.S.S. En 1924, à la mort de Lénine, Staline prend le pouvoir et assiste au succès de la NEP, dont les koulaks (paysans riches) sont les premiers bénéficiaires. Par après, en 1928, le premier plan quinquennal est adopté: on vise le développement industriel accéléré et on collectivise les terres. Cette dernière mesure, imposée par la Guépéou (police politique depuis 1922) s'attaque aux koulaks, déportés par centaines de milliers en Sibérie. Cette répression entraîne une baisse importante de la production agricole et pousse l'U.R.S.S. une autre fois au bord de la famine. Bref, le pays que découvre Tintin est en crise.
Or, à l'époque, en Belgique et en Occident, un climat de peur intense des « bolcheviks » règne. Le journal où travaille Hergé, Le XXe siècle, est catholique, d'extrême-droite et fortement anti-bolchevik. Son directeur, l'abbé Wallez, demande à Hergé d'envoyer son nouveau personnage en Russie pour « informer » les jeunes lecteurs. Hergé prend alors toute sa documentation dans Moscou sans voiles, un livre publié par un ancien consul belge vivement anticommuniste, et en reprend des scènes entières. En ce sens, Tintin au pays des Soviets ne fait que refléter la mentalité de son époque. Dans cette aventure, Hergé s'inspire donc de Moscou sans voiles pour dénoncer tour à tour les fausses usines de théâtre (industrialisation massive), les arrestations arbitraires de la Guépéou, les fausses élections avec liste unique, sous pression (v. ann. 5a), la torture dans les prisons, le bourbier qu'est devenu Moscou (v. ann. 5b), l'abandon des enfants, les expéditions contre les koulaks, l'existence d'un repaire secret où Lénine, Trotski et Staline ont amassé les « trésors volés au peuple », la constitution de réserves pour attester la richesse de la Russie ainsi que l'intention terroriste concernant l'Europe. Ces éléments ne sont certainement pas tous véridiques, mais ils illustrent les croyances populaires concernant l'U.R.S.S. à cette époque. En ce sens, Hergé reste fidèle à l'actualité de son époque. Comme il le dit à Jacques Chancel:
- Je pense que je ne me singularisais pas, je crois que tout le monde à l'époque était d'abord anticommuniste ou plutôt, plus exactement, dans le cas du XXe siècle, anti-bolchevik, « l'homme-au-couteau-entre-les-dents ».
- C'était en 1929.
- C'était en 1929, n'oublions pas5.
Cinq ans plus tard, Tintin entreprend un second voyage, cette fois-ci en Chine, victime de l'impérialisme japonais. Depuis 1900, sa montée est inquiétante. La modernisation du Japon, pour égaler les puissances occidentales, ainsi que la victoire lors de la guerre sino-japonaise en Corée (1894-95) lui ont déjà donné plus d'influence sur le continent. La guerre russo-japonaise de 1904 et la nouvelle victoire écrasante du Japon viennent encore en augmenter l'influence en Corée, que le Japon annexe en 1910. En 1914, suite à son entrée en guerre contre l'Allemagne, il s'empare de ses possessions en Chine et dans le Pacifique. Par après, en 1915, le Japon soumet ses « Vingt-et-Une-Demandes » à la Chine, qui doit céder et subit désormais un plus grand contrôle nippon. Au pays même, on assiste à une montée du militarisme dans les années 20 et 30. On équipe de mieux en mieux l'armée, les militaires ont de plus en plus de pouvoir politique et les assassinats et attentats se multiplient. Le Japon se rapproche des régimes fascistes et a des visées expansionnistes sur toute l'Asie, en particulier la Mandchourie. En 1927 et 1928, il y intervient militairement à trois reprises pour protéger les citoyens japonais et y empêcher l'extension de la guerre civile chinoise. Cependant, malgré les pressions de l'armée, il n'y a pas d'occupation officielle. C'est alors que, dans la nuit du 18 au 19 septembre 1931, des Japonais perpètrent un attentat sur la ligne de chemin de fer Moukden - T'ien-tsin. On l'attribue à des bandits chinois, ce qui sert de prétexte à l'occupation de la majorité de la Mandchourie. L'année suivante, le rapport Lytton de la SDN demande au Japon de se retirer; malgré tout, le Japon reconnaît l'indépendance du « Mandchoukouo » et ignore le rapport, pour ensuite quitter la SDN en février 1933.
Dans Le Lotus bleu, qui paraît en 1934-35, Hergé, indigné par ces événements, prend clairement position contre le Japon et dénonce l'occupation de la Mandchourie. Pour la cohérence de son histoire, il déplace l'attentat sur la ligne Nankin - T'ien-tsin (version noir et blanc), puis Shanghai - Nankin (version couleurs), mais le résume presque parfaitement en deux pages: attentat par les Japonais, attribution à des bandits chinois, intervention militaire et occupation (v. ann. 6a). De plus, à la fin de l'album, Hergé illustre la commission Lytton (v. ann. 6b) et le Japon quittant la SDN. Seule différence marquée avec la réalité, les troupes japonaises se retirent finalement, pour garder un « happy end ». Au sujet de ce réalisme, Benoît Peeters considère que « Tout ce qui est dit de ce conflit est d'une authenticité si rigoureuse que l'on pourrait étudier cette période de l'histoire chinoise en se fondant uniquement sur le livre d'Hergé6. » En outre, on retrouve des messages cachés dans les idéogrammes chinois qui parsèment l'album, tels que « Abolir les traités inégaux », « À bas l'impérialisme » et « À bas les marchandises japonaises » (v. ann. 6c). Dans un autre ordre d'idée, à l'époque, la presse occidentale se fait la porte-parole inconditionnelle du Japon. Par ses propos, Hergé s'oppose donc à l'attitude officielle en prenant position pour la cause chinoise. De plus, il n'hésite pas à s'attaquer aux Occidentaux et aux concessions internationales qui rongent la Chine. En somme, cela fait du Lotus bleu l'album de Tintin le plus engagé et le plus clairement lié à l'actualité de son époque.
Infatigable voyageur, Tintin aboutit en Palestine sous mandat britannique au cours d'Au pays de l'or noir, en 1939. À la veille de la guerre, cette région est considérée comme un point chaud, en raison du climat tendu qui y règne depuis de nombreuses années. À la fin du XIXe siècle, le sionisme, mouvement pour la création d'un État juif en Palestine, prend naissance, et l'immigration commence. Après la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne obtient un mandat sur la Palestine et, conformément au rapport Balfour, y favorise « l'instauration d'un foyer national juif ». L'immigration juive s'intensifie, et les premiers conflits avec la majorité arabe se produisent. La « Hagannah », organisation armée destinée à défendre les Juifs, est créée à cette époque. Les frictions sont nombreuses avec les autorités britanniques voulant limiter l'immigration; de violents affrontements ont aussi lieu avec les Arabes. En 1939, le livre blanc du gouvernement britannique restreint la minorité juive à 30% de la population. Malgré tout, durant la Seconde Guerre mondiale, l'immigration clandestine prend de l'ampleur pour sauver les Juifs des camps nazis. De plus, la Hagannah intervient aux côtés des Alliés. Après la guerre, l'immigration clandestine continue et l'affaire de l'Exodus fait beaucoup de bruit. Pendant ce temps, les affrontements entre Britanniques, Arabes et Juifs de la Hagannah et des groupes terroristes Irgoun et Stern se poursuivent. En 1947, l'ONU conseille le partage de la Palestine et met fin au mandat britannique, le 14 mai 1948; Israël déclare alors son indépendance et remporte la première guerre israélo-arabe. Plus que jamais, la région est l'une des plus explosives du globe.
Au pays de l'or noir ayant connu trois versions différentes, la présentation de la Palestine sous mandat britannique varie de l'une à l'autre. La première version, commencée en 1939, ne sera jamais terminée: le 10 mai 1940, l'invasion de la Belgique par les Allemands en interrompt la publication. Imprégné d'un climat de guerre, le récit se déroule presque entièrement en Palestine. La ville d'arrivée de Tintin, Caïffa, évoque évidemment Haïfa, port important et principal centre de l'immigration clandestine. Des soldats britanniques fouillent le bateau et arrêtent Tintin. Par la suite, un groupe juif enlève Tintin, puis des Arabes, dont le camp est recherché par les Britanniques, l'enlèvent à leur tour. L'histoire est interrompue peu après et ce n'est qu'en 1948 qu'Hergé la reprend, pour donner la deuxième version, la première complète et publiée. Il en conserve la plupart des éléments, en les détaillant davantage. Premièrement, Caïffa redevient Haïfa (v. ann. 7a). Aussi, la vedette britannique est spécifiée « de la Navy ». Enfin, les Juifs sont maintenant identifiés au groupe terroriste Irgoun (v. ann. 7b). Cependant, le sujet se déplace du conflit israélo-arabe à la lutte de deux grandes compagnies, l'« Arabex » anglaise et la « Skoil », visiblement allemande, pour la mainmise sur le pétrole du Khemed. En fait, la Palestine n'est plus qu'une porte d'entrée. Finalement, en 1971, à la demande de ses éditeurs anglais trouvant les références trop datées, Hergé retravaille l'album pour produire la troisième version que l'on trouve aujourd'hui sur les tablettes: il élimine toutes les références aux Britanniques et Tintin arrive directement au Khemed. En fin de compte, bien que la deuxième version ne soit plus disponible, Au pays de l'or noir a déjà eu un contenu fortement imprégné d'actualité internationale, contenu que l'on doit malgré tout considérer comme faisant partie des Aventures de Tintin. Du curieux destin de cet album, Frédéric Soumois tire l'analyse suivante:
Ces trois versions sont symboliques de trois grandes étapes de la création hergéenne: à une période d'avant-guerre où de fortes dénonciations sont légèrement dissimulées succède une période d'après-guerre où des récits à la thèse plus générale peuvent se permettre de débuter dans la réalité avant d'assurer une utopie complète, aux références étouffées. La troisième période est due à une accentuation jusqu'au perfectionnisme du souci du détail vrai, du respect du document comme vérisme qui, paradoxalement, amène Hergé à étendre la création de l'utopie à l'ensemble du récit et pas seulement à son développement, à faire partir la fusée lunaire de Syldavie et pas des U.S.A. ni de l'U.R.S.S., à réutiliser le San Theodoros pour les Picaros ou encore à couper court à l'exotisme du voyage dans les Bijoux7.
À ces trois périodes, on peut associer tous les albums que nous avons étudiés: les Soviets, Le Lotus bleu, L'Oreille cassée et Le Sceptre d'Ottokar dans la première, l'Or noir (deuxième version) dans la deuxième et L'Affaire Tournesol et les Picaros dans la dernière.
Finalement, il apparaît clairement qu'Hergé a bel et bien fait directement allusion à l'actualité internationale dans les trois albums analysés: Russie communiste dans les Soviets, invasion japonaise de la Mandchourie dans Le Lotus bleu et Palestine sous mandat britannique dans l'Or noir. Bien que certaines bribes d'actualité aient pu se glisser dans les autres albums, ces trois derniers sont ceux dans lesquels elle y est le plus présente.
CONCLUSION
En fin de compte, il ressort nettement de notre analyse qu'Hergé a bel et bien abordé l'actualité internationale dans les Aventures de Tintin. Nous avons pu voir, premièrement, qu'il illustre l'Anschluss et la guerre froide par l'opposition entre la Syldavie et la Bordurie. Selon le même procédé de métaphore géopolitique, il emploie le San Theodoros pour représenter, avec le Nuevo Rico, la guerre du Chaco, puis pour illustrer la situation générale en Amérique latine dans les années 60 et 70. Enfin, Hergé fait directement référence à trois situations politiques, soit le communisme en Russie, l'invasion japonaise de la Mandchourie et les troubles en Palestine sous le mandat britannique. Loin d'être de vagues éléments isolés, toutes ces allusions à l'actualité internationale constituent souvent le fondement de plusieurs des récits. Nous pouvons donc confirmer notre hypothèse hors de tout doute possible.
Bien que cette recherche ait démontré la présence de l'actualité politique dans les Aventures de Tintin, nous ne savons pas comment les lecteurs de Tintin de par le monde la perçoivent. Sans doute observe-t-on de nombreuses différences dans la perception selon les groupes d'âges, selon les cultures aussi. Comment un enfant ne connaissant rien de l'histoire interprétera-t-il le contexte que l'on retrouve dans Le Sceptre d'Ottokar, par exemple? Il s'agit certainement d'un aspect de la question qu'il serait intéressant d'étudier dans le futur.
Cependant, les ventes phénoménales des albums de Tintin démontrent bien que les allusions à l'actualité internationale ne viennent en rien affecter la popularité de la série. Bien que les événements aient été vus à travers les yeux d'un Belge, les allusions au sein des albums ont permis à Hergé d'ouvrir son héros sur le monde et de le faire voyager sur toute la planète. C'est en grande partie par ces allusions que Tintin a acquis le caractère universel qui fait aujourd'hui son succès. Peu importe sa nationalité, sa langue ou sa religion, un lecteur de Tintin pourra toujours retrouver dans ses aventures une part de lui-même...
ANNEXE I
Cases du Sceptre d'Ottokar8
a) p. 40, case B1 - Similitude avec les uniformes S.S.
b) p. 55, case C2 - Cryptogramme rappelant la svastika
ANNEXE II
Cases de L'Affaire Tournesol9
a) p. 46, case D3 - Culte de Plekszy-Gladz
b) p. 47, case C3 - Architecture réaliste socialiste
ANNEXE III
Cases de L'Oreille cassée10
Photographie de Basil Zaharoff11
a) p. 30, case B2 - Le général Olivaro
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b) p. 33, cases D4 et D5 - Basil Bazaroff | c) Basil Zaharoff |
ANNEXE IV
Cases de Tintin et les Picaros12
p. 11, cases D1 et D2 - Capitale moderne et bidonville
ANNEXE V
Cases de Tintin au pays des Soviets13
a) p. 32, case B1 - Fausses élections
b) p. 74, case A1 - Le bourbier qu'est devenu Moscou
ANNEXE VI
Cases du Lotus bleu14
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a) p. 22, case E1 - Occupation japonaise | b) p. 60, case B1 - Commission Lytton |
c) p. 9, case A3 - Sur l'écriteau: « À bas les marchandises japonaises »
ANNEXE VII
Cases d'Au pays de l'or noir15
a) p. 14, case B2 - Haïfa et la Navy
b) p. 17, case B2 - Membres de l'Irgoun
NOTES
1Benoît Peeters. Le monde d'Hergé, 2e édition, Tournai, Casterman, 1990, p. 100.
2Frédéric Soumois. Dossier Tintin, Bruxelles, Jacques Antoine, 1987, p. 248.
3Ibid., p. 117.
4Ibid., p. 296.
5Jacques Chancel. Radioscopie, Hergé, s. i., Radio-France, 1979, 4:30 min.
6Peeters. p. 48.
7Soumois. p. 215.
8Hergé. Le Sceptre d'Ottokar, Tournai, Casterman, 1975, (Les aventures de Tintin), p. 40, 55.
9Id., L'Affaire Tournesol, Tournai, Casterman, 1984, (Les aventures de Tintin), p. 46-47.
10Id., L'Oreille cassée, Tournai, Casterman, 1979, (Les aventures de Tintin), p. 30, 33.
11Soumois. p. 116 tiré de: Richard Lewinsohn. Zaharoff, l'Européen mystérieux, Paris, Payot, 1930, p. 160.
12Hergé. Tintin et les Picaros, Tournai, Casterman, 1976, (Les aventures de Tintin), p. 11.
13Id., Tintin au pays des Soviets, Tournai, Casterman, 1981, (Les aventures de Tintin), p. 32, 74.
14Id., Le Lotus bleu, Tournai, Casterman, 1974, (Les aventures de Tintin), p. 9, 22, 60.
15Id., Au pays de l'or noir, Tournai, Casterman, 1963, (Les aventures de Tintin), p. 14, 17.
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-------- Le Lotus bleu, Tournai, Casterman, 1974, (Les aventures de Tintin), 64 p.
-------- Le Sceptre d'Ottokar, Tournai, Casterman, 1975, (Les aventures de Tintin), 64 p.
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-------- L'Oreille cassée, Tournai, Casterman, 1979, (Les aventures de Tintin), 64 p.
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