Si, de nos jours, nous découvrons les aventures de Tintin sous la forme d'albums en couleurs de 62 pages, il ne faudrait surtout pas oublier que les huit premières aventures de notre héros - outre les Soviets - ont d'abord vu le jour en noir et blanc. Les lire, c'est découvrir tout un pan de l'histoire de Tintin et de l'oeuvre d'Hergé trop souvent méconnus...
Un peu d'histoire... Les deux premières aventures de Tintin - les Soviets et Tintin au Congo - furent d'abord publiées aux éphémères Éditions du Petit Vingtième, à un tirage plutôt limité, alors que l'on croyait que le succès de Tintin était un phénomène temporaire. Les ventes augmentant, la publication fut confiée aux Éditions Casterman à partir de 1931. Durant tout l'entre-deux-guerres, l'entreprise tournaisienne poursuivit l'édition des albums en noir et blanc, dans un format légèrement plus grand que les albums actuels.
À l'époque, la longueur des albums était très variable, allant de 130 pages pour les Soviets à 104 pour le Crabe. Hergé n'avait alors aucune contrainte quand au nombre de pages. N'ayant pas encore développé à fond sa technique narrative, il faisait évoluer Tintin de semaine en semaine au fil de sa fantaisie, avec comme principal souci de maintenir un « suspense » à la fin de chaque épisode de deux pages. Il pouvait donc se permettre des intermèdes ou des rebondissements plus ou moins nécessaires, ce qui donne aux premiers albums un style parfois décousu. Cependant, à partir du Lotus bleu, Hergé, conscient de l'importance grandissante que prenait sa création, commença à apporter beaucoup plus de soin à l'élaboration de ses récits, leur donnant une structure plus dense et plus construite - la diminution constante du nombre de pages l'illustre bien -, et un souci du réalisme plus poussé. Tintin évoluait, les conditions de publication aussi. Bientôt, il devint clair que le héros ne pourrait demeurer bien longtemps en noir et blanc. Dès 1936, on entrevoyait la nécessité de laisser de côté le noir et blanc pour des raisons commerciales, ce à quoi Hergé avait répondu en proposant d'insérer des hors-textes en couleurs dans les albums. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, l'augmentation du prix du papier de plus de 50%, les difficultés d'approvisionnement et l'acquisition d'une presse offset poussèrent les éditions Casterman à faire à Hergé de nouvelles propositions. Les albums devraient désormais se glisser dans un cadre rigide de 62 pages. En contrepartie, ceux-ci allaient bénéficier d'une impression en quadrichromie. L'affaire fut conclue en 1942. Pendant que L'Étoile mystérieuse devenait la première aventure de Tintin à naître en couleurs, Hergé s'attaquait au dur travail de refonte des albums d'avant-guerre, d'abord aidé d'Edgar P. Jacobs, puis de ce qui allait devenir progressivement l'équipe des Studios Hergé.
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